5  Approximation polynomiale

Pourquoi s’intéresser à l’approximation d’une fonction ? Prenons d’abord un point de vue quantitatif, puis qualitatif.

Une fonction est définie par une expression dépendant de variables. Pour calculer son image en un point à partir de l’expression, il est requis que l’expression soit algébrique1 et que les opérateurs utilisés soient calculables. Cependant, il arrive que l’expression définissant la fonction ne soit pas calculable : ou bien l’expression n’est pas algébrique, ou bien les opérateurs utilisés ne sont pas calculables. Pensons pour le premier cas, aux fonctions trigonométriques, le sinus et le cosinus, définis géométriquement comme des projections, ou à l’exponentielle naturelle (celle en base \(\valE{}\)) qui est définie comme l’exponentielle qui a pour dérivée elle-même, et pour le second cas, aux fonctions racines, définies comme les réciproques des fonctions puissances, l’opérateur d’inversion des fonctions n’étant pas calculable.

Lorsqu’on étudie une fonction, on procède souvent par abstraction : on s’intéresse aux limites de la fonction, aux variations de la fonction, à quelques points remarquables comme les extremums ou les points d’inflexion. Pour pouvoir représenter la fonction à la main, pour en avoir une idée intuitive, il est utile de comprendre son comportement local en approchant la fonction par une fonction facilement représentable, par une droite ou une parabole par exemple.

Dans ces deux situations, il est utile de recourir à une approximation de la fonction par des fonctions élémentaires, au sens d’éléments d’une classe de fonctions adaptées au calcul et et à la représentation graphique. La classe des fonctions polynomiales répond bien à ces deux critères. En effet, les polynômes sont engendrés à partir d’une variable, le paramètre, et des nombres réels, en utilisant les opérations d’addition, d’opposition et de multiplication, autrement dit constituent les fonctions les plus basiques. Elles sont facilement représentables, pensons aux droites ou aux paraboles.

Ainsi nous étudions l’approximation polynomiale d’une fonction. C’est une approximation locale, dans le sens où la précision est garantie au voisinage d’un point : nous l’exprimerons d’une manière abstraite en indiquant que l’erreur d’approximation relative est infinitésimale, soit tend vers zéro lorsqu’on se rapproche du point.

Concrètement, nous allons utiliser quelques axiomes et quelques règles d’inférence concernant les limites : typiquement, un axiome décrit une égalité entre une limite et une valeur, alors qu’une règle d’inférence permet de déduire une égalité pour une limite à partir d’égalités pour d’autres limites. Pour rendre compte de la possibilité d’une non-définition de l’opérateur de limite, on interprète une égalité en lui ajoutant la condition que la limite apparaissant dans l’égalité existe. Ainsi l’égalité \(\limite{a}{f} = l\) se comprend comme l’affirmation que la limite de \(f\) en \(a\) existe et vaut \(l\). Voici la liste de ces axiomes et de ces règles, que nous pouvons admettre sans réticence, tant ils ont un caractère évident. La notion de limite n’étant pas définie en Première mais seulement en Terminale, il s’avère qu’ils ne sont démontrables qu’à partir de la Terminale, en recourant à la définition logique de la notion de limite.

Exercice 5.1 (Limite d’une fonction : axiomes et règles (N-1)) Étant donnée un intervalle \(D\) de \(\Reel{}\), soit \(a\) appartenant à \(D\). On considère ci-dessous des fonctions \(f, f_1, \ldots\) de \(D\) vers \(\Reel{}\), et des réels \(l, l_1, \ldots\). Démontrer les propriétés suivantes.

  • Détermination fonctionnelle (unicité) \[ \limite{a}{f} = l_1 \wedge \limite{a}{f} = l_2 \rightarrow l_1 = l_2. \]
  • Linéarité \[ \begin{array}{l} \limite{a}{f_1} = l_1 \wedge \limite{a}{f_2} = l_2 \\ \rightarrow \forall (\lambda\in\Reel{})(\mu\in\Reel{}), \limite{a}{\lambda * f_1 + \mu * f_2} = \lambda * l_1 + \mu * l_2. \\ \end{array}. \]

AFFAIRE

5.1 Atelier : approcher à l’ordre un

Nous nous intéressons à l’approximation des fonctions par des droites. Comme la monotonie2 d’une droite est directement déterminée par son coefficient directeur, le signe pour le sens, la valeur absolue pour l’intensité, on en déduit la monotonie locale de la courbe. Un des résultats importants est de déduire une monotonie globale à partir de monotonies locales : si une fonction est localement croissante sur un segment, elle est globalement croissante entre les extrémités du segment, et symétriquement pour la décroissance.

Soit \(\fctn{f}{D}{\Reel{}}\) une fonction d’un intervalle \(D\) dans l’ensemble des réels. On considère un point \(a\) appartenant à \(D.\) On désigne par \(\translat{D}{-a}\) l’ensemble \(\{h \in \Reel{} \mid a + h \in D\},\)oit \(D\) translaté de \(-a.\)

Définition 5.1 (Approximation polynomiale d’ordre un (N-1)) On dit que \(f\) admet une approximation polynomiale à l’ordre un en \(a\) s’il existe deux réels \(c_0\) et \(c_1\) et une fonction $\(\fctn{\errApp{}}{\translat{A}{-a}}{\Reel{}}\) tels que :

  • pour tout réel \(h\) appartient à \(\translat{A}{-a},\) \[ f\ (a + h) = c_0 + c_1 * h + (\errApp{} h) * h, \]
  • la fonction \(\errApp{}\) est un infinitésimal3 en \(0 :\) \[ \lim_{h \rightarrow 0} \errApp{}\ h = 0. \]

La fonction affine \((h \mapsto c_0 + c_1 * h)\) est alors appelée l’approximation polynomiale de \(f\) à l’ordre un en \(a\).

5.1.1 Solution (N-AFF)

AFF

:::

Exercice 5.2 (Unicité de l’approximation (N-1)) Montrer que si elle existe, l’approximation polynomiale de \(f\) en \(a\) est unique.

Considérons deux approximations polynomiales de \(f,\) \(f\ (a + h) = c_0 + c_1 * h + (\errApp{}_I h) * h\) et \(f\ (a + h) = d_0 + d_1 * h + (\errApp{}_{II} h) * h.\) Par soustraction, il vient \(d_0 - c_0 + (d_1 - c_1) * h = ((\errApp{}_I h) - (\errApp{}_{II} h)) * h\). Pour \(h = 0\), on obtient \(d_0 = c_0\). Pour \(h \neq 0,\) on obtient donc après simplification \(d_1 - c_1 = (\errApp{}_I h) - (\errApp{}_{II} h).\) Par passage à la limite en \(0\), on obtient \(d_1 - c_1 = 0.\) Conclusion : les approximations polynomiales sont égales.

Exercice 5.3 (Unicité de l’approximation (N-1)) Montrer que si elle existe, l’approximation polynomiale de \(f\) en \(a\) est unique.

Considérons deux approximations polynomiales de \(f,\) \(f\ (a + h) = c_0 + c_1 * h + (\errApp{}_I h) * h\) et \(f\ (a + h) = d_0 + d_1 * h + (\errApp{}_{II} h) * h.\) Par soustraction, il vient \(d_0 - c_0 + (d_1 - c_1) * h = ((\errApp{}_I h) - (\errApp{}_{II} h)) * h\). Pour \(h = 0\), on obtient \(d_0 = c_0\). Pour \(h \neq 0,\) on obtient donc après simplification \(d_1 - c_1 = (\errApp{}_I h) - (\errApp{}_{II} h).\) Par passage à la limite en \(0\), on obtient \(d_1 - c_1 = 0.\) Conclusion : les approximations polynomiales sont égales.

Exercice 5.4 (AFF (N-AFF)) AFF

AFF


  1. L’expression algébrique peut appartenir à l’ensemble d’arrivée, vue comme une algèbre avec des opérateurs. Elle peut aussi appartenir à l’espace des fonctions, vue comme une algèbre munie d’’opérateurs fonctionnels comme la composition.↩︎

  2. Monotonie : alternative exclusive ente croissance et décroissance.↩︎

  3. Infinitésimal : dont la limite est nulle.↩︎